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  • Photo du rédacteurDavid Mertens

"Nos valeurs" Perspective historique & réflexions


Jardins éphémères 2019 à Esch, de l'artiste Florence Hoffmann © communne d'Esch

Le présent article aborde la thématique de nos valeurs sociétales. Il est intéressant de noter que les politiciens aiment à parler de valeurs, sans toutefois se poser la question de quelles valeurs il s'agit concrètement.


En effet, que pensent des personnes éminentes telles qu'Emmanuel Macron ou le Ministre des affaires étrangères du Luxembourg Jean Asselborn, quand ils parlent de "notre honneur" respectivement "nos valeurs" dans un contexte de migration? Seraient-ils capables de définir ces valeurs à chaud? Souvent on entend parler du terme d'Humanisme. Mais quel politicien pourrait directement définir la mouvance intellectuelle du XIVème siècle communément appelée Humanisme, ou citer ses grands auteurs et textes essentiels ? On peut aisément avoir l'impression que le mot n'est utilisé que comme adjectif ou même en tant qu'argument fallacieux pour discréditer les critiques d'une certaine politique.

Comme on peut le constater, il n'est donc pas si simple de définir nos valeurs sociétales modernes. Ces dernières ne découlant ni de l'Humanisme ou autres Droits de l'Homme, on se voit pourtant confronté à elles du matin au soir comme dans une liturgie. Il s'agit là en fait des principes tels que le multiculturalisme, la diversité, l'inclusion, l'ouverture et autres variantes sur le thème de la tolérance.

D'où proviennent alors ces valeurs? Sont elles innées aux européens parce que nous serions par nature plus compatissants que les personnes d'autres cultures? Ou serions nous simplement la génération la plus avancée moralement, la première à avoir vraiment appris de l'Histoire et qu'au contraire de nos aïeuls primitifs il tiendrait à nous de construire le beau monde de demain? Non, ces valeurs proviennent à la base d'une matrice idéologique d'extrême gauche. Pour faire court, pendant les années cinquante, des intellectuels de gauche ayant perdu foi dans le communisme, on eu l'idée de renverser le capitalisme non plus par une révolution du prolétariat, mais par l'érosion des valeurs traditionnelles de la société dite "bourgeoise" par des revendications émanant de minorités, notamment sexuelles et ethniques. La notion de tolérance poussée à l'extrême permettant d'inhiber les mécanismes de défense naturels de la société. De nos jours on appelle ce courant aussi identity politics ou bien postmodernism en anglais[1].

Bref, si ces idées seraient restées cantonnées à l'extrême gauche, il n'y aurait aucune raison d'en discuter d'avantage. Cependant, comme on peut facilement le constater, l'esprit de ces idées même détachées de leur contexte originel domine le discours politique actuel. Chronologiquement, se sont les événements de Mai 68 qui ont mis le pied à l'étrier aux idées postmodernes. Puis on constate une accélération de leur importance à partir de 1991 et l'effondrement de l'Union Soviétique. La victoire sur l'ennemi existentiel aboutit en effet sur une période euphorique propice à toutes sortes d'idées utopiques[2].


Il est évident que les idées postmodernes ont remplacé le discours traditionnel de lutte des classes chez pratiquement tous les partis de gauche. Mais également chez les libéraux on constate un basculement vers l'acceptation du principe de multiculturalisme dans les années quatre-vingt dix. Ceci sous l'influence d'une nouvelle génération de penseurs mais également grâce au soutien d'une élite économique qui voit la mondialisation et la dilution des frontières d'un bon oeil et qui préfère la rhétorique postmoderne sur les valeurs aux critiques du marché. Ensemble, gauche et libéraux forment la mouvance progressiste. Celle-ci contrôle une grande partie des médias, ainsi que le monde académique et notamment les humanités.


Cependant, nous n'en serions pas là si le citoyen moyen n'aurait pas assimilé lesdites valeurs. La question fondamentale est donc de savoir pourquoi ces idées ont elles prises dans la société?

Mon explication la plus sensée est que, pour utiliser un terme de Nietzsche, la société est devenue dépendante à la moraline. Cette nouvelle idéologie a touché une corde sensible chez les occidentaux, qui leur permettent de se valoriser moralement. En tant que personne hétérosexuel par exemple il est de bon ton d'afficher un drapeau LGBT sur son profile Facebook pendant la gay pride, bien qu'il n'existe pas vraiment de refus massif de l'homosexualité dans notre société. Mais de cette façon on exhibe sa tolérance. La même chose vaut pour les questions migratoires qui ne peuvent être une solution à la pauvreté dans le monde, mais avoir la bonne opinion sur le sujet permet ici encore de montrer sa "compassion" à peu de frais. En ce qui concerne le multiculturalisme, pareillement. Nous intéressons nous vraiment aux autres cultures ou avons nous besoin des "autres" seulement pour projeter une certaine image de nous dans un sens de tolérance?


Afin d'être exhaustif, il convient de nommer encore deux facteurs qui ont aidé les valeurs postmodernes à prendre pied. Premièrement, nous vivons dans la période la plus prospère de l'Histoire de l'humanité. Ceci a permis a une plus grande partie de la population notamment dans les classes moyennes supérieures à embrasser des concepts non essentiels tel que celui de diversité par exemple. Nos grands-parents eux avaient des problèmes beaucoup plus terre à terre. Deuxièmement, nous vivons dans une société post-chrétienne. Le vide spirituel existant dans celle-ci a laissé place à une sorte de super morale souvent hystérique que l'on peut voir en action dans des thèmes comme le réchauffement climatique notamment.


Comme on peut le voir, nos valeurs ne sont donc ni des lois naturelles, ni des lois divines, mais bel et bien le produit final d'une certaine idéologie. Ces idées étant à tel point dominantes maintenant, qu'elles nous paraissent aussi naturelles que l'air que l'on respire. Parallèlement, on constate une certaine autocensure voir censure sur des thèmes de discussion sensibles. C'est pour cela aussi que je tenais à écrire cet article. Je pense ici surtout aux jeunes qui se voient exposés sans alternatives à un discours hégémonique. En fin de compte, on peut souscrire ou ne pas souscrire à la présente analyse ou aux idées progressistes en général, mais se poser des questions du genre: d'où proviennent nos valeurs, qui est-ce qui les définis, quels sont leur buts concrets, reste le meilleur moyen de se prémunir de tout dogmatisme.

[1] Parmi les partisans les plus renommés de cette mouvance, citons les maîtres à penser de la french theory, Satre, Foucault, Derrida ou les représentants de l'école dite "de Francfort" tels que Habermas, Adorno ou Marcuse


[2] Voir par exemple la thèse de Francis Fukuyama sur la fin de l'Histoire



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